La semaine dernière, j'ai évoqué la notion de pragmatique en linguistique, comme étant l'étude de la manière dont les éléments du langage (la sémantique) va produire une transmission du modèle du monde du locuteur à son interlocuteur. Je prends un exemple : l« il est déjà 8h » ou « il n'est que 8h ». De manière explicite, il s'agit d'exprimer une heure, de manière implicite, cette temporalité peut être interprétée par mon interlocuteur comme s'écoulant rapidement dans le premier énoncé, et plus lentement dans le second. Ce processus d'interprétation en linguistique est dénommé « inférence ».
Revenons quelques instants sur la théorie de grammaire générative de Noam Chomsky (1970) présentée la semaine dernière. Selon cette théorie, la maîtrise de la sémantique et de la syntaxe permet de générer l'ensemble des énoncés possibles d'une langue. Cela implique que toute personne parlant la même langue avec le même niveau de maîtrise devrait pouvoir se faire comprendre sans défaut, puisque la manière dont l'énoncé est prononcé devrait être similaire à la manière dont il est perçu. Pourtant, le quiproquo ou le malentendu sont des expériences qui vont dans le sens d'un écart entre l'énoncé-produit et l'énoncé-compris. De plus il existe dans la plupart des langues des formes interrogatives ainsi que des pronoms relatifs (qui, que, quoi, où, …) dont l'existence en linguistique vise à préciser, éclaircir l'énoncé-compris. Cela signifie donc que par essence, le langage ne porte pas en lui même les éléments d'une compréhension parfaite d'un énoncé.
Ce dernier point est essentiel pour comprendre les travaux de Paul Grice (1979), philosophe du langage dont le champ d'expertise s'établit dans la pragmatique du discours. Grice introduit la notion de coopération entre locuteur et interlocuteur comme condition à la réussite de la compréhension d'un énoncé. Dans son ouvrage de 1979, il décrit le principe de coopération comme suit « Que votre contribution à la conversation soit, au moment où elle intervient, telle que le requiert l'objectif ou la direction acceptée de l'échange verbal dans lequel vous êtes engagé » (p,93. Trad Sperber et Wilson). Autrement dit, lorsque vous échangez avec un interlocuteur, gardez à l'esprit l'objectif de votre propos, c'est-à-dire ce que vous souhaitez qu'il en comprenne. Dans la suite de ses travaux, Grice va proposer 9 maximes conversationnelles qui visent à rendre la coopération la plus efficace possible. Voici ces maximes :
Je termine volontairement mon article sur ce point pour laisser au lecteur le soin de s'approprier la portée de ces maximes. Il conviendra lors du prochain article de revenir sur les implicites de ces maximes dans le cadre toujours d'une communication bienveillante, et de décrire davantage la notion d'inférence citée précédemment.